Le sol pour le développement du corps
Par Yvan Cam
(Systema ADDAM Toulouse)
Par Yvan Cam
(Systema ADDAM Toulouse)
Nous allons nous intéresser cette fois au travail au sol. Généralement, les élèves n’aiment pas vraiment cette partie et n’en voient pas l’intérêt.
Le travail au sol est un domaine largement sous-exploité. Lorsqu’il est travaillé, le focus est mis sur la lutte depuis l’explosion du jiujitsu brésilien et des disciplines cousines. En systema, le travail au sol est la base. Ce travail est d’ailleurs très différent des disciplines citées précédemment puisque la lutte au sol n’est qu’une petite partie de ce que l’on cherche à développer. L’ensemble des piliers du systema sont développés au sol. En effet, c’est un excellent instructeur puisqu’il a l’avantage de mettre immédiatement en lumière chaque tension et il permet également de trouver des solutions face à une augmentation des contraintes. Emotionnellement, tomber, aller au sol, rester au sol et lutter sont pour la plupart des gens sources de gêne et de stress. C’est une raison pour l’utiliser en tant qu’outil pour se mettre en difficulté.
En termes de méthodologie, il est hautement recommandé de commencer par là en passant une grosse partie du cours au sol lorsqu’on débute.
Nous allons dans cet article tenter d’expliquer, toujours en fonction de notre compréhension actuelle, en quoi ce travail est important et nécessaire. Nous espérons que cela éclairera le pourquoi des exercices que nous proposons en cours.
Le contact avec le sol
La première étape du travail est sol peut paraître simple mais peut s’avérer être un calvaire pour des débutants. Il s’agit de simplement s’allonger au sol, de respirer et de se détendre le plus possible. Selon Konstantin Komarov, chaque cours devrait commencer par là. S’allonger ainsi permet de prendre entièrement le contact avec le sol et de s’y habituer. Ceci peut de base créer des tensions dans le corps lorsque l’on ne se sent pas à l’aise au sol. Ces tensions seront immédiatement repérables grâce au sol dur. En effet, le moindre inconfort sur le sol dur allongé sur le dos est due à un manque d’élasticité musculaire (ou à un mauvais placement osseux due à un blocage musculaire des os dans cette position), autrement dit, une tension musculaire trop importante. A force de chercher à les relâcher inconsciemment, un conditionnement se met en place et le seul fait de descendre au sol et de s’y allonger permet de se relâcher.
Le relâchement musculaire est le premier moyen de se mouvoir au sol. Le simple fait de contracter ou de détendre un muscle permet de déplacer la zone verticalement ou horizontalement. Pour travailler cela, un bon exercice est d’empiler une, deux, trois personnes sur quelqu’un allongé sur le dos et lui demander de rester en place en étant le plus confortable possible. Au départ, la personne non habituée va se crisper. Les tensions ainsi générer vont provoquer de l’inconfort voire de la douleur puisqu’elles vont donner un support au poids des gens empilés. Ceci se produit en même temps que l’apparition de stress et de peur. La première étape est donc de gérer cette peur par la respiration pour pouvoir reprendre le contrôle du mental puis d’utiliser le mental pour chercher à se détendre. Lorsque le pratiquant arrive à se détendre, les zones donnant un appui au poids des partenaires vont se relaxer. Le poids sera donc mieux réparti permettant de ne plus avoir de douleur ou d’inconfort. Ce relâchement va également permettre au corps de naturellement se déplacer à l’endroit où il y aura le moins de support et donc là où il y a de la liberté de mouvement puisque pas de contraintes. Les variations de cet exercice sont nombreuses, le tout étant de générer un stress. Une variation intéressante et de faire le même exercice avec un linge mouillé sur le visage pour rendre la respiration plus compliquée.
Ainsi, le simple fait de rester coucher par terre est une première étape permettant de travailler à la fois sur un mental calme et sur un corps détendu.
Le mouvement au sol
Apprendre à se déplacer correctement peut se faire en apprenant comment bien bouger au sol. Réussir à créer un mouvement continue au sol implique d’utiliser correctement les différents groupes musculaires au bon moment et de relâcher ceux qui sont inutiles. Pour simplifier et éviter de rentrer trop en profondeur dans l’anatomie, on parlera de 5 chaines musculaires qui seront impliquées dans le mouvement au sol. Une chaine antérieure, une chaine postérieure, deux chaines croisées et une chaine profonde. Ces chaines peuvent s’étirer ou se contracter donnant plus ou moins de tension le long de cette chaine. Pour bouger de la manière la plus liée possible il faut à chaque fois utiliser une chaine jusqu’au maximum de sa capacité puis la relâcher pour passer à la suivante. Ce qui permet de passer librement d’une chaîne à l’autre sans perdre la tension de structure et la respiration permettant comme vu précédemment de maintenir lié et dynamique la charnière entre le buste, le bassin et les jambes (voir article sur la respiration). Un point crucial pour utiliser correctement ces chaines est l’absence de tensions parasites sur le trajet de la chaine.
Pour travailler cela, nous partirons de la position allongée. La respiration doit être en place et le corps détendu. A partir de là, on vient lentement étirer le bras ou la jambe par-dessus le corps en cherchant à totalement relâcher les muscles antagonistes au mouvement. En allant suffisamment lentement, on doit sentir toute la chaine croisée se mettre en place jusqu’à lever l’épaule du bras correspondant jusqu’à la hanche. A ce moment-là, il peut y avoir un blocage. Pour le passer, il faut connecter le haut du corps déjà en mouvement avec le bas du corps. Pour cela, on utilise la respiration qui permettra de lier les deux parties du corps en activant la chaîne profonde. Alors, en poursuivant l’étirement on atteint la jambe opposée qui donne à son tour un support de rotation et en relâchant la jambe du même côté on peut finir de se retourner et finir sur le ventre. Le même exercice est réalisable avec la jambe. Ces exercices permettent la mise en place des deux chaines latérales. Les relevés de buste et de jambes permettent de travailler la chaine antérieure en cherchant le relâchement de la chaine postérieure. Pour mieux le sentir, il peut aider de chercher à tirer les jambes vers l’avant pour le relevé de buste et les bras vers l’arrière pour le relevé de jambes.
La subtilité du déplacement au sol continue s’appuie sur la création et l’effacement de supports. Pour comprendre et sentir cela, l’exercice nommé la « banane » par l’équipe du cercle de systema est idéal. Le but de cet exercice est de tourner sur soi-même en s’appuyant uniquement sur le bassin, les jambes et le buste ne touchant jamais le sol. Pour travailler cette création et retirement de support, l’exercice doit être travaillé au ralenti et on doit pouvoir changer de direction n’importe quand dans le mouvement. Pour réussir cela, il faut constamment garder un support en contractant une seule chaîne a la fois. Pour une chaine contractée donnée, si les autres sont relâchées, il y a une amplitude de mouvement autour de laquelle on peut bouger sans perdre l’équilibre. En bout de chaine, on contracte la suivante et on relâche la première ce qui change les supports et permet de bouger. Ainsi, si l’on commence face vers le sol, en position de parachutiste, on contracte la chaine postérieure. Lorsqu’on veut tourner on amène la jambe et le bras opposés vers le coté ou on veut tourner. On relâche la chaine postérieure ce qui fait passer sur le côté et on contracte la chaine croisé pour rester sur le côté. On continue à tourner ainsi.
Ensuite, pour apprendre à trouver de la mobilité malgré la contrainte de son propre poids, divers exercices de « ramper » sont utilisables. En avant, en arrière, sur le ventre et sur le dos, on utilise les épaules et une ondulation du corps lié par la respiration pour se déplacer au sol avec le moins d’énergie possible. De même, on intègre à ce niveau le travail de roulades avant, arrière et sur le côté où là aussi, on cherche à s’étirer par-dessus le support qu’est le buste et les épaules pendant la roulade.
Quand ce concept de déplacement est intégré, on peut passer au mouvement continu. Le mouvement continu au sol est un mélange de création et retirement du support, de conservation de l’inertie du mouvement et d’une disponibilité constante du bassin. A ce stade, le point le plus compliqué est d’utiliser les chaines comme support et un moyen de transférer l’énergie du mouvement permettant de générer le mouvement suivant. En effet, chaque fois qu’une chaine est relâchée ou pas à la bonne place quand l’énergie du mouvement doit passer, cette énergie est perdue et le corps cesse de bouger. Il faut donc re-démarrer le mouvement musculairement. L’autre point est d’avoir un bassin toujours disponible, ce qui revient à ne contracter globalement qu’une chaine à la fois pour laisser différentes possibilités de mouvement au bassin. Ceci permet de changer de direction n’importe quand puisque l’angle du bassin oriente les chaines musculaires.
Ce conditionnement par le mouvement donne toute la base du systema. La respiration , la structure, le relâchement et la mobilité.
Le mouvement continu sous contrainte
Lorsque le mouvement continu est régulièrement travaillé, il est temps de le soumettre à une difficulté supplémentaire pour en tester la qualité. En effet, le principal écueil que nous avons identifié lors du mouvement continu, en particulier lorsqu’on cherche à accélérer, est la perte de contrôle du mouvement dû à un engagement trop important qui mécaniquement se manifestent par des contractions musculaires non désirables ni contrôlées. Ceci a pour conséquence que le mouvement une fois engagé ne peut pas être modifié ou alors seulement avec une grosse dépense d’énergie. Pour mettre ces défauts en lumière, travailler à renverser un partenaire qui se laisse simplement reposer sur vous juste en bougeant de manière continue est une première étape. En effet, il faut réussir à bouger de façon continue non plus de manière libre mais en fonction des obstacles générés par le poids du partenaire et des différents points de pression qu’il applique sur le corps. Il faut donc générer des directions plus courtes et en changer constamment pour contourner ces obstacles (tensions…). La respiration est dirigée évidemment vers les zones libres pour accompagner le mouvement.
Lorsque cet exercice est assimilé, l’étape suivante est la lutte collaborative à deux (ou plus !). Dans cet exercice, il est important que les deux partenaires cherchent systématiquement à se déplacer l’un vers l’autre en cherchant à priver le partenaire de sa mobilité mais sans bloquer le flux du mouvement par des saisies Dans ce cas, pour travailler correctement et maintenir le mouvement constant, il faut être capable de contourner les obstacles dès qu’ils se présentent pour ne pas perdre l’énergie du mouvement en percutant ces obstacles. Lorsque le travail est correctement effectué, le mouvement des deux partenaires ne doit jamais être coupé. Un autre écueil à éviter sur cet exercice est l’emballement du mental à cause de l’impression d’oppression que peut générer le travail avec un partenaire. Il est indispensable de conserver une respiration très régulière et d’amplitude constante. La fréquence peut par contre varier en fonction de l’intensité du travail. Pour rajouter de la difficulté ensuite, l’un des deux partenaires intègre les saisies, les verrous articulaires ou les poussées et l’autre continue de bouger en continu. Ensuite, on peut intégrer le bâton et le couteau, non pas en tant qu’apprentissage du combat avec ces armes mais simplement comme outil pédagogique pour varier la manière de bouger.
Chuter
A ce stade, le sol ne devrait plus créer de peur en soi. Néanmoins, la chute reste une source de tension qui peut se manifester par une sur-tension des jambes et une mobilité réduite du bassin pour chercher plus de stabilité. Le but de cette étape est d’éliminer cette peur dans un premier ce qui permettra de relâcher la partie inférieure du corps debout et dans un second temps de faire en sorte que descendre au sol s’intègre en tant que possibilité de direction au même titre qu’aller en avant, en arrière ou sur les côtés. Ce point change d’ailleurs d’après ce que nous avons pu observer radicalement l’approche de la chute en systema. En effet, dans les arts martiaux, classiquement, la chute est la conséquence d’un « tombé » suite à une projection par exemple. Ceci fait que le postulat classique de la chute est qu’on essaye d’abord de ne pas aller au sol et lorsqu’on y est contraint, on vient amortir l’impact du mieux possible, en particulier avec le fameux « claqué » du bras sur le sol au moment de la chute pour protéger le corps. Le fait de ne pas vouloir aller au sol quand tout le mouvement crée aboutit à cela ne laisse qu’une seule solution pour ne pas tomber : casser le mouvement, autrement dit créer une tension pour bloquer l’énergie du mouvement. Dans ce cas, soit cela marche et on ne tombe pas soit cela ne marche pas et dans ce cas, il n’y a aucun contrôle possible de la chute. Par conséquent, on vient taper le sol pour se protéger d’une absorption trop violente de l’énergie de la chute dans le corps.
C’est là où diffère le systema. En systema, puisque le sol est simplement une direction où aller, il n’y a aucune raison de casser le mouvement par une tension. On va donc suivre le mouvement qui nous amènera naturellement au sol, sauf que l’on va pouvoir rediriger ce mouvement en descendant au sol et donc rediriger l’énergie du mouvement de sorte qu’elle ne créée pas un choc. Même, si l’on sent que l’on va être projeté et que toutes les autres possibilités de mouvements sont fermées, on va soi-même descendre au sol pour reprendre l’initiative. Le principe de la chute du systema sera donc de ne donner aucune opposition au mouvement dirigeant vers le sol mais de se réapproprier la chute pour rediriger son énergie pour la dissiper en chutant ou de la rediriger pour permettre de se relever après la chute sans effort. En terme d’apprentissage technique, on distingue globalement 4 directions de chute, avant arrière, droite et gauche et les roulades mais qui n’entre pas nécessairement dans ce cadre là puisque la roulade à un caractère plus actif que la chute. Nous ne décrirons pas en détails ces chutes parce qu’il faut les voir et pratiquer en vrai pour comprendre mais nous allons juste dire les points essentiels à surveiller. On veillera par contre à faire d’abord tomber les gens depuis une position assise ou accroupie pour habituer à la chute et faire intégrer la technique. Ensuite seulement on passe debout et en mouvement.
Le premier point, peut être le plus important est de travailler l’acceptation de la chute comme quelque chose de naturel. Ainsi, lorsque le signal de tomber est donné, il ne faut pas faire d’appel en reprenant un appui pour éviter la chute dans l’instant et la décaler au moment où on le choisit. Le second point est de se relâcher le plus possible et d’essayer de ne pas ralentir la chute. Le dernier point est de toujours essayer d’utiliser l’énergie de la chute pour se relever. Pour travailler cela, le plus simple est de faire marcher les gens de donner le signal de tomber pour qu’ils chutent par eux-mêmes avant de se relever. Le même exercice peut se faire en courant. Ensuite, en statique, avec un partenaire qui donne une direction de chute en poussant ou tirant tandis que l’autre descend au sol. La même chose est faisable en mouvement. Ensuite, l’exercice le plus efficace pour travailler cela est de faire tomber le partenaire avec les yeux fermés pendant 20 minutes sans s’arrêter et en ne le laissant jamais ni rester allonger au sol ni se remettre pleinement sur ses appuis. Cet exercice est parfait pour éliminer la peur, garder un esprit calme et intégrer la chute dans le mouvement.
En conclusion
Nous avons décrit ici les étapes principales, et quelques exercices permettant de les franchir, du travail au sol dans le cadre du développement du corps et du mental. Le sol forme le corps à la fois musculairement, l’aide à trouver des degrés de liberté supplémentaire et non utilisés habituellement, lui permet de construire une liaison complète du corps aidée par la respiration et conditionne une manière spécifique de bouger. C’est également une première approche pour travailler sur la peur et le stress, à identifier les effets de ces émotions sur les tensions corporelles et à utiliser la respiration pour les gérer. Passer du temps au sol et apprendre à chuter sont donc des étapes très importantes du systema. Une fois que cela est en place, on peut passer debout mais aussi s’intéresser à la lutte au sol sous toutes ses formes, ce qui fera l’objet d’un prochain article.
Le travail au sol est un domaine largement sous-exploité. Lorsqu’il est travaillé, le focus est mis sur la lutte depuis l’explosion du jiujitsu brésilien et des disciplines cousines. En systema, le travail au sol est la base. Ce travail est d’ailleurs très différent des disciplines citées précédemment puisque la lutte au sol n’est qu’une petite partie de ce que l’on cherche à développer. L’ensemble des piliers du systema sont développés au sol. En effet, c’est un excellent instructeur puisqu’il a l’avantage de mettre immédiatement en lumière chaque tension et il permet également de trouver des solutions face à une augmentation des contraintes. Emotionnellement, tomber, aller au sol, rester au sol et lutter sont pour la plupart des gens sources de gêne et de stress. C’est une raison pour l’utiliser en tant qu’outil pour se mettre en difficulté.
En termes de méthodologie, il est hautement recommandé de commencer par là en passant une grosse partie du cours au sol lorsqu’on débute.
Nous allons dans cet article tenter d’expliquer, toujours en fonction de notre compréhension actuelle, en quoi ce travail est important et nécessaire. Nous espérons que cela éclairera le pourquoi des exercices que nous proposons en cours.
Le contact avec le sol
La première étape du travail est sol peut paraître simple mais peut s’avérer être un calvaire pour des débutants. Il s’agit de simplement s’allonger au sol, de respirer et de se détendre le plus possible. Selon Konstantin Komarov, chaque cours devrait commencer par là. S’allonger ainsi permet de prendre entièrement le contact avec le sol et de s’y habituer. Ceci peut de base créer des tensions dans le corps lorsque l’on ne se sent pas à l’aise au sol. Ces tensions seront immédiatement repérables grâce au sol dur. En effet, le moindre inconfort sur le sol dur allongé sur le dos est due à un manque d’élasticité musculaire (ou à un mauvais placement osseux due à un blocage musculaire des os dans cette position), autrement dit, une tension musculaire trop importante. A force de chercher à les relâcher inconsciemment, un conditionnement se met en place et le seul fait de descendre au sol et de s’y allonger permet de se relâcher.
Le relâchement musculaire est le premier moyen de se mouvoir au sol. Le simple fait de contracter ou de détendre un muscle permet de déplacer la zone verticalement ou horizontalement. Pour travailler cela, un bon exercice est d’empiler une, deux, trois personnes sur quelqu’un allongé sur le dos et lui demander de rester en place en étant le plus confortable possible. Au départ, la personne non habituée va se crisper. Les tensions ainsi générer vont provoquer de l’inconfort voire de la douleur puisqu’elles vont donner un support au poids des gens empilés. Ceci se produit en même temps que l’apparition de stress et de peur. La première étape est donc de gérer cette peur par la respiration pour pouvoir reprendre le contrôle du mental puis d’utiliser le mental pour chercher à se détendre. Lorsque le pratiquant arrive à se détendre, les zones donnant un appui au poids des partenaires vont se relaxer. Le poids sera donc mieux réparti permettant de ne plus avoir de douleur ou d’inconfort. Ce relâchement va également permettre au corps de naturellement se déplacer à l’endroit où il y aura le moins de support et donc là où il y a de la liberté de mouvement puisque pas de contraintes. Les variations de cet exercice sont nombreuses, le tout étant de générer un stress. Une variation intéressante et de faire le même exercice avec un linge mouillé sur le visage pour rendre la respiration plus compliquée.
Ainsi, le simple fait de rester coucher par terre est une première étape permettant de travailler à la fois sur un mental calme et sur un corps détendu.
Le mouvement au sol
Apprendre à se déplacer correctement peut se faire en apprenant comment bien bouger au sol. Réussir à créer un mouvement continue au sol implique d’utiliser correctement les différents groupes musculaires au bon moment et de relâcher ceux qui sont inutiles. Pour simplifier et éviter de rentrer trop en profondeur dans l’anatomie, on parlera de 5 chaines musculaires qui seront impliquées dans le mouvement au sol. Une chaine antérieure, une chaine postérieure, deux chaines croisées et une chaine profonde. Ces chaines peuvent s’étirer ou se contracter donnant plus ou moins de tension le long de cette chaine. Pour bouger de la manière la plus liée possible il faut à chaque fois utiliser une chaine jusqu’au maximum de sa capacité puis la relâcher pour passer à la suivante. Ce qui permet de passer librement d’une chaîne à l’autre sans perdre la tension de structure et la respiration permettant comme vu précédemment de maintenir lié et dynamique la charnière entre le buste, le bassin et les jambes (voir article sur la respiration). Un point crucial pour utiliser correctement ces chaines est l’absence de tensions parasites sur le trajet de la chaine.
Pour travailler cela, nous partirons de la position allongée. La respiration doit être en place et le corps détendu. A partir de là, on vient lentement étirer le bras ou la jambe par-dessus le corps en cherchant à totalement relâcher les muscles antagonistes au mouvement. En allant suffisamment lentement, on doit sentir toute la chaine croisée se mettre en place jusqu’à lever l’épaule du bras correspondant jusqu’à la hanche. A ce moment-là, il peut y avoir un blocage. Pour le passer, il faut connecter le haut du corps déjà en mouvement avec le bas du corps. Pour cela, on utilise la respiration qui permettra de lier les deux parties du corps en activant la chaîne profonde. Alors, en poursuivant l’étirement on atteint la jambe opposée qui donne à son tour un support de rotation et en relâchant la jambe du même côté on peut finir de se retourner et finir sur le ventre. Le même exercice est réalisable avec la jambe. Ces exercices permettent la mise en place des deux chaines latérales. Les relevés de buste et de jambes permettent de travailler la chaine antérieure en cherchant le relâchement de la chaine postérieure. Pour mieux le sentir, il peut aider de chercher à tirer les jambes vers l’avant pour le relevé de buste et les bras vers l’arrière pour le relevé de jambes.
La subtilité du déplacement au sol continue s’appuie sur la création et l’effacement de supports. Pour comprendre et sentir cela, l’exercice nommé la « banane » par l’équipe du cercle de systema est idéal. Le but de cet exercice est de tourner sur soi-même en s’appuyant uniquement sur le bassin, les jambes et le buste ne touchant jamais le sol. Pour travailler cette création et retirement de support, l’exercice doit être travaillé au ralenti et on doit pouvoir changer de direction n’importe quand dans le mouvement. Pour réussir cela, il faut constamment garder un support en contractant une seule chaîne a la fois. Pour une chaine contractée donnée, si les autres sont relâchées, il y a une amplitude de mouvement autour de laquelle on peut bouger sans perdre l’équilibre. En bout de chaine, on contracte la suivante et on relâche la première ce qui change les supports et permet de bouger. Ainsi, si l’on commence face vers le sol, en position de parachutiste, on contracte la chaine postérieure. Lorsqu’on veut tourner on amène la jambe et le bras opposés vers le coté ou on veut tourner. On relâche la chaine postérieure ce qui fait passer sur le côté et on contracte la chaine croisé pour rester sur le côté. On continue à tourner ainsi.
Ensuite, pour apprendre à trouver de la mobilité malgré la contrainte de son propre poids, divers exercices de « ramper » sont utilisables. En avant, en arrière, sur le ventre et sur le dos, on utilise les épaules et une ondulation du corps lié par la respiration pour se déplacer au sol avec le moins d’énergie possible. De même, on intègre à ce niveau le travail de roulades avant, arrière et sur le côté où là aussi, on cherche à s’étirer par-dessus le support qu’est le buste et les épaules pendant la roulade.
Quand ce concept de déplacement est intégré, on peut passer au mouvement continu. Le mouvement continu au sol est un mélange de création et retirement du support, de conservation de l’inertie du mouvement et d’une disponibilité constante du bassin. A ce stade, le point le plus compliqué est d’utiliser les chaines comme support et un moyen de transférer l’énergie du mouvement permettant de générer le mouvement suivant. En effet, chaque fois qu’une chaine est relâchée ou pas à la bonne place quand l’énergie du mouvement doit passer, cette énergie est perdue et le corps cesse de bouger. Il faut donc re-démarrer le mouvement musculairement. L’autre point est d’avoir un bassin toujours disponible, ce qui revient à ne contracter globalement qu’une chaine à la fois pour laisser différentes possibilités de mouvement au bassin. Ceci permet de changer de direction n’importe quand puisque l’angle du bassin oriente les chaines musculaires.
Ce conditionnement par le mouvement donne toute la base du systema. La respiration , la structure, le relâchement et la mobilité.
Le mouvement continu sous contrainte
Lorsque le mouvement continu est régulièrement travaillé, il est temps de le soumettre à une difficulté supplémentaire pour en tester la qualité. En effet, le principal écueil que nous avons identifié lors du mouvement continu, en particulier lorsqu’on cherche à accélérer, est la perte de contrôle du mouvement dû à un engagement trop important qui mécaniquement se manifestent par des contractions musculaires non désirables ni contrôlées. Ceci a pour conséquence que le mouvement une fois engagé ne peut pas être modifié ou alors seulement avec une grosse dépense d’énergie. Pour mettre ces défauts en lumière, travailler à renverser un partenaire qui se laisse simplement reposer sur vous juste en bougeant de manière continue est une première étape. En effet, il faut réussir à bouger de façon continue non plus de manière libre mais en fonction des obstacles générés par le poids du partenaire et des différents points de pression qu’il applique sur le corps. Il faut donc générer des directions plus courtes et en changer constamment pour contourner ces obstacles (tensions…). La respiration est dirigée évidemment vers les zones libres pour accompagner le mouvement.
Lorsque cet exercice est assimilé, l’étape suivante est la lutte collaborative à deux (ou plus !). Dans cet exercice, il est important que les deux partenaires cherchent systématiquement à se déplacer l’un vers l’autre en cherchant à priver le partenaire de sa mobilité mais sans bloquer le flux du mouvement par des saisies Dans ce cas, pour travailler correctement et maintenir le mouvement constant, il faut être capable de contourner les obstacles dès qu’ils se présentent pour ne pas perdre l’énergie du mouvement en percutant ces obstacles. Lorsque le travail est correctement effectué, le mouvement des deux partenaires ne doit jamais être coupé. Un autre écueil à éviter sur cet exercice est l’emballement du mental à cause de l’impression d’oppression que peut générer le travail avec un partenaire. Il est indispensable de conserver une respiration très régulière et d’amplitude constante. La fréquence peut par contre varier en fonction de l’intensité du travail. Pour rajouter de la difficulté ensuite, l’un des deux partenaires intègre les saisies, les verrous articulaires ou les poussées et l’autre continue de bouger en continu. Ensuite, on peut intégrer le bâton et le couteau, non pas en tant qu’apprentissage du combat avec ces armes mais simplement comme outil pédagogique pour varier la manière de bouger.
Chuter
A ce stade, le sol ne devrait plus créer de peur en soi. Néanmoins, la chute reste une source de tension qui peut se manifester par une sur-tension des jambes et une mobilité réduite du bassin pour chercher plus de stabilité. Le but de cette étape est d’éliminer cette peur dans un premier ce qui permettra de relâcher la partie inférieure du corps debout et dans un second temps de faire en sorte que descendre au sol s’intègre en tant que possibilité de direction au même titre qu’aller en avant, en arrière ou sur les côtés. Ce point change d’ailleurs d’après ce que nous avons pu observer radicalement l’approche de la chute en systema. En effet, dans les arts martiaux, classiquement, la chute est la conséquence d’un « tombé » suite à une projection par exemple. Ceci fait que le postulat classique de la chute est qu’on essaye d’abord de ne pas aller au sol et lorsqu’on y est contraint, on vient amortir l’impact du mieux possible, en particulier avec le fameux « claqué » du bras sur le sol au moment de la chute pour protéger le corps. Le fait de ne pas vouloir aller au sol quand tout le mouvement crée aboutit à cela ne laisse qu’une seule solution pour ne pas tomber : casser le mouvement, autrement dit créer une tension pour bloquer l’énergie du mouvement. Dans ce cas, soit cela marche et on ne tombe pas soit cela ne marche pas et dans ce cas, il n’y a aucun contrôle possible de la chute. Par conséquent, on vient taper le sol pour se protéger d’une absorption trop violente de l’énergie de la chute dans le corps.
C’est là où diffère le systema. En systema, puisque le sol est simplement une direction où aller, il n’y a aucune raison de casser le mouvement par une tension. On va donc suivre le mouvement qui nous amènera naturellement au sol, sauf que l’on va pouvoir rediriger ce mouvement en descendant au sol et donc rediriger l’énergie du mouvement de sorte qu’elle ne créée pas un choc. Même, si l’on sent que l’on va être projeté et que toutes les autres possibilités de mouvements sont fermées, on va soi-même descendre au sol pour reprendre l’initiative. Le principe de la chute du systema sera donc de ne donner aucune opposition au mouvement dirigeant vers le sol mais de se réapproprier la chute pour rediriger son énergie pour la dissiper en chutant ou de la rediriger pour permettre de se relever après la chute sans effort. En terme d’apprentissage technique, on distingue globalement 4 directions de chute, avant arrière, droite et gauche et les roulades mais qui n’entre pas nécessairement dans ce cadre là puisque la roulade à un caractère plus actif que la chute. Nous ne décrirons pas en détails ces chutes parce qu’il faut les voir et pratiquer en vrai pour comprendre mais nous allons juste dire les points essentiels à surveiller. On veillera par contre à faire d’abord tomber les gens depuis une position assise ou accroupie pour habituer à la chute et faire intégrer la technique. Ensuite seulement on passe debout et en mouvement.
Le premier point, peut être le plus important est de travailler l’acceptation de la chute comme quelque chose de naturel. Ainsi, lorsque le signal de tomber est donné, il ne faut pas faire d’appel en reprenant un appui pour éviter la chute dans l’instant et la décaler au moment où on le choisit. Le second point est de se relâcher le plus possible et d’essayer de ne pas ralentir la chute. Le dernier point est de toujours essayer d’utiliser l’énergie de la chute pour se relever. Pour travailler cela, le plus simple est de faire marcher les gens de donner le signal de tomber pour qu’ils chutent par eux-mêmes avant de se relever. Le même exercice peut se faire en courant. Ensuite, en statique, avec un partenaire qui donne une direction de chute en poussant ou tirant tandis que l’autre descend au sol. La même chose est faisable en mouvement. Ensuite, l’exercice le plus efficace pour travailler cela est de faire tomber le partenaire avec les yeux fermés pendant 20 minutes sans s’arrêter et en ne le laissant jamais ni rester allonger au sol ni se remettre pleinement sur ses appuis. Cet exercice est parfait pour éliminer la peur, garder un esprit calme et intégrer la chute dans le mouvement.
En conclusion
Nous avons décrit ici les étapes principales, et quelques exercices permettant de les franchir, du travail au sol dans le cadre du développement du corps et du mental. Le sol forme le corps à la fois musculairement, l’aide à trouver des degrés de liberté supplémentaire et non utilisés habituellement, lui permet de construire une liaison complète du corps aidée par la respiration et conditionne une manière spécifique de bouger. C’est également une première approche pour travailler sur la peur et le stress, à identifier les effets de ces émotions sur les tensions corporelles et à utiliser la respiration pour les gérer. Passer du temps au sol et apprendre à chuter sont donc des étapes très importantes du systema. Une fois que cela est en place, on peut passer debout mais aussi s’intéresser à la lutte au sol sous toutes ses formes, ce qui fera l’objet d’un prochain article.